Manée Séverin : « Médi’âne est d’abord un réseau d’échanges et d’enrichissement mutuel »
Entretien avec Manée Séverin, Présidente de l’association Médi’âne
En matière de médiation animale, le chien ou le cheval viennent vite à l’esprit…l’âne un peu moins. Comment avez-vous découvert le potentiel offert par l’âne dans ce domaine ?
MS : Je suis psychomotricienne depuis 1980 et j’ai longtemps exercé mon métier sans jamais me préoccuper des ânes ! Ni d’ailleurs entrevoir la présence animale comme support de mobilisation corporelle dans le cadre de suivis en psychomotricité.
C’est ma rencontre avec l’association Liâne, avec Nadège Champeau, un des membres fondateur de Médi’âne, et mon expérience avec les ânes qui, au tout début des années 2000, a déterminé cette inflexion dans mon parcours. Nadège, elle-même éducatrice spécialisée, venait de quitter le milieu institutionnel pour devenir éducatrice ânière, employée par Liâne, association installée en Loire Atlantique près de Pornic. Ensemble et en lien avec l’institution où je travaillais, nous avons bâti un projet et mené une activité de mobilisation psychomotrice avec les ânes de Liâne, auprès de personnes adultes en situation de handicap. Le terme de médiation asine est venu bien après tout ce travail d’élaboration, de construction et d’expériences qui nous a permis de prendre conscience et d’explorer les possibilités qui s’ouvraient à nous avec l’âne, son contact et son environnement.
C’est de cette expérience qu’est née Médi’âne ?
MS : Oui, bien sûr avec l’association Liâne et son projet, mais surtout par la rencontre d’autres professionnels âniers ou du secteur médico-social dont nous avons perçu l’énergie à échanger et la volonté d’enrichir réflexions et pratiques, avec l’immense surprise d’être d’emblée plongés dans une mobilisation sans frontière, puisqu’à chaque session Médi’âne, nous avons le plaisir d’accueillir d’autres nationalités.
Aujourd’hui, près de 12 ans après sa création, Médi’âne est avant tout un réseau, une structure extrêmement ouverte car fondée non seulement sur l’idée de rassembler, partager et mutualiser expériences, recherches en médiation asine mais aussi sur un intérêt réel porté à l’animal lui-même et son lien avec l’Homme. Dans nos projets et pratiques en médiation asine, nous sommes d’emblée rassemblés par cette longue histoire de liens entre l’Homme et l’âne.
Qu’est-ce qui crée cette complicité avec l’âne, dans un univers d’où il semble a priori plus exclu que d’autres animaux ?
MS : Le lien entre l’Homme et l’âne est subtil. Longtemps, sa fonction auprès de l’Homme a été liée au quotidien d’activités domestiques, rurales ou artisanales, au regard de ses qualités physiologiques, ses caractéristiques comportementales. Particulièrement sensible, l’âne a besoin d’un climat de confiance pour collaborer avec nous et cela nécessité ajustement et accordage. L’âne garde toujours sa réflexion « d’âne » ce qui fait de lui un partenaire interactif. On dit qu’un âne s’éduque plus qu’il ne se dresse et il est particulièrement perméable aux émotions humaines.
L’âne a ses codes de communication. Il est curieux mais prudent. Il a besoin de temps pour comprendre. Il est plutôt négociateur car il se révèle déterminé et réfléchi. La confiance s’installe avec lui si on lui donne le temps d’appréhender son environnement et ce qu’on lui demande.
Avec l’âne, rien ne se fait dans la précipitation, ce qui constitue un atout dans le rythme et le déroulé d’une séance d’activité asine. Il s’agit de prendre le temps de la rencontre et du lien pour établir un climat d’échange, de détente et ouvrir à une dynamique de mobilisation. L’âne, son rythme, son endurance, sa rusticité a permis à l’Homme le compagnonnage et le colportage avec un quotidien partagé et de la complicité. Il prend place aujourd’hui dans un travail de médiation avec toutes ces dimensions.
(*) Médi’âne, association créée en 2002, a formulé dès 2003 des sessions en médiation asine pour répondre aux besoins d’échanges tant au niveau théorique que pratique.